Clap de fin ?

TIIIN ! TIIIN ! TIIIN ! TIIIN ! TIIIN ! TIIIN ! TIIIN ! TIIIN ! TIIIN !

Le casque censé protéger mes tympans peine à retenir ce son – genre sirène d’alerte – matiné d’un claquement aussi sec que répétitif. L’horrible « Tiiin ! Tiiin ! » s’arrête pour laisser s’exprimer le vrombissement continue de l’appareil. La trève n’est que de courte durée : le signal reprend de plus belle mais mon attention se porte sur le « Tchac ! Tchac ! » – hachoir subliminal heurtant une planche à découper – que seule l’oreille attentive peut dissocier… Me découper, me segmenter, m’écariser, me disséquer, tranche par tranche, c’est finalement ce que fait la machine à résonance magnétique qui ausculte en ce moment même les différents tissus de mon tronc.

L’assourdissante rythmique s’arrête nette. Le plateau sur lequel je suis allongé entame un mouvement d’une vingtaine de centimètres vers la sortie puis s’immobilise. C’est reparti pour une nouvelle série de pulsations rauques.

Cinq bonnes minutes que je suis allongé dans ce tunnel, le visage à quelques centimètres de la paroi lisse et blanche. Ma main droite – dans laquelle je garde précieusement la poire pour avertir le technicien radiologiste en cas de problème – est moite. Je n’ose bouger une phalange. L’examen devrait bientôt se terminer.

Vais-je pouvoir poursuivre la Force athlétique ?

Cette question – que je n’aurais jamais pensé me poser avant… une bonne vingtaine d’années… une trentaine peut-être – me hante maintenant depuis des semaines. Et là, l’instant est crucial.

Mon angoisse a débuté fin octobre, après avoir passé une radio du rachis suite à des raideurs persistantes dans le bas du dos et une étrange sensation de contracture dans la fesse gauche. Le diagnostic est tombé tel un couperet : important pincement discal en L4-L5 ; L5-S1. Conclusion du médecin : discopathie dégénérative. Pour simplifier : une usure irréversible de ces deux disques intervertébraux.

Les disques intervertébraux ? Kézako ? ils sont situés entre chaque vertèbre et sont constitués de deux parties : un anneau cartilagineux et, au centre, un noyau gélatineux. C’est ce dernier qui amortit les chocs et résiste aux pressions. L’ensemble assure la mobilité de la colonne.

Nouveaux rendez-vous chez mon osthéo et mon médecin. Le premier s’est montré moins radical que le second. Une IRM est nécessaire pour connaître exactement l’état des disques.

Mon dos ne me fait pas souffrir; je n’ai pas mal. Les raideurs ont même diminué. Je m’étire, je fais des abdos, du gainage, je multiplie les suspensions pour délordoser les vertèbres comme d’autres font leurs prières. Prendre soin de ce qui reste peut-être à sauver est devenu ma religion. A la maison, je rumine, je parle peu… Je rumine… Je souris moins aussi et… je rumine aussi… Mais j’ai arrêté le Squat et allégé le Soulevé de Terre !!!

Retour dans le décor façon Star Wars ou 2001, l’odyssée de l’espace… Devant la surface incurvée et blanche immaculée, le casque sur les oreilles, me voici coupé du monde. C’est peut-être de cela dont j’ai besoin en ce moment : un peu d’isolement… En tête à tête avec moi-même et mes souvenirs… Hal, l’ordinateur de bord du film de Kubrick est peut-être là aussi, en train de m’épier ? Peu importe, je me replonge dans mes débuts de compétition; pas si vieux que ça en fait finalement : 5 ans.

Juin 2008 : finale FSGT, Squat à 150 kilos, sans matériel d’assistance, mais équipé de Chaussures de Squat dont le talon trop haut m’avait causé une tendinite au genou…

david perrodou squat

3 ans plus tard, toujours en FSGT, et toujours sans bandes de genoux ,ni combi d’assistance que je tentais de maîtriser, je validais 180 kilos à ce même mouvement…

Mars 2012 : Championnats de France open FFHMFAC – élite – à Chatellerault… tentative à 210 kilos, équipé cette fois…

Octobre 2012 : magnifique souvenir aussi, aux Etats-Unis, cette-fois ci – 235 kilos – toujours équipé, mais qui aurait nécessité une descente plus marquée…

Soulevé de terre, mars 2012 : Finale open FFHMFAC – essai à 230 kilos, non validé, pour presque pas grand chose…

La frustration est d’autant plus grande que je n’aurai peut-être jamais l’occasion d’améliorer ces barres.

Il me restera le Couché seul en cas de diagnostic négatif. Il faudra bosser un peu plus ce mouvement…

Les pulsations se sont arrêtées et le plateau m’entraîne vers la sortie ; « L’examen est terminé… » m’annonce le technicien en radiologie qui me demande de lever légèrement les jambes pour retirer le support sur lequel elles reposaient. Il actionne le mécanisme pour descendre le plateau et m’invite à me rhabiller dans la cabine en ajoutant d’attendre car le médecin avait « deux-trois choses à me dire ».

Je me rhabille en évitant de trop penser aux « deux-trois choses que le médecin doit me dire ». Je patiente quelques minutes. Je suis enfin prêt à entendre les résultats. Le technicien réapparaît et me fait signe de le suivre dans une petite pièce. J’entrevois sur un moniteur l’image de mon rachis, en nuance de gris et de noir. Le médecin en blouse blanche m’invite à m’asseoir à côté de lui. Je fixe l’écran en m’approchant. Peu importe ce que le médecin va me dire…

J’ai compris…

Les noyaux gélatineux des deux derniers disques n’apparaissent pas en blanc. A la place, deux formes noires… Le vide… Les disques sont déshydratés… pas de hernie discale mais une légère protrusion qui vient chatouiller le nerf situé sur le côté gauche. Les vertèbres sont intactes.

Et maintenant, que faire ?

Tout arrêter ? Squats, Soulevé de Terre… Laisser la charpente et la force musculaire de mon dos diminuer faute de stimulation ? Me bourrer ensuite d’anti-inflammatoires ou d’infiltrations ?

Je ne souffre pas du dos, je n’imagine pas tout arrêter. La déshydratation des disques touche en fait beaucoup de monde entre 40 et 50 ans mais, faute de douleurs, de gênes réelles et d’examens, la plupart ne le savent pas… Poursuivre le Trois mouvement cette saison n’est toutefois pas envisageable.

A défaut, il me reste le Développé couché seul…

2 Comments

  1. Vraiment désolé pour toi David. Ne désespère pas, j’ai une petite hernie entre L5-S1 depuis 92. Elle me chatouille de temps en temps et me le rappel de temps en temps quand je traine la patte, mais trop petite et surtout mal située pour opérer. Et tu vois je pousse toujours. A mon niveau certe, mais j’y prends toujours plaisir.
    Si on le prends avec humour, il te reste le DC ou bien le body comme beaucoup de grands powers on fait. Quoi qu’il en sois, je suis sûr que tu retrouveras le chemin des barres.

    • Merci Aldo pour ton message qui relativise la situation. En effet, il est toujours possible de trouver des aménagements, des gestes préventifs, des alternatives pour continuer à pratiquer un sport, que ce soit dans le domaine de la force, de l’endurance, en sport co, etc.
      Des recherches sur la régénérescence des disques intervertébraux à partir de cellules souches sont en cours. En attendant d’éventuels résultats concluants, comme tu le dis, il reste le Body ou le Couché… Je ne sais pas pourquoi… j’ai opté pour ce dernier.
      Joyeuses fêtes de fin d’année 😉

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