Si Versailles m’était « Koonté » …

Il est impossible de parler de Jeff Koons sans aborder ce qui a été fait avant lui, les concepts de Duchamp, le Pop Art ou l’apparition des premières installations.

Le Ready-made, ça vous dit quelque chose ? Cette démarche qui consiste à détourner des objets du quotidien pour en faire des œuvres d’art et dont l’exemple le plus célèbre reste l’urinoir que Marcel Duchamp a rebaptisé « Fontaine ».

Comme les Ready-made ne sont pas réalisés par l’artiste, les notions de virtuosité et de savoir-faire en art ont été depuis remis en question et on a commencé à parler d’art conceptuel.

Pendant ce temps, dans les années 60, de nouvelles approches artistiques ou de nouveaux mouvements sont apparus comme les installations ou encore le Pop Art, qui prend appui sur la culture populaire, accessible à tous donc, pour dénoncer la consommation de masse.

Jeff koons a su dégager l’essentiel de ces mouvements avant-gardistes pour les réunir dans ses œuvres qu’il ne réalise pas lui même.

Cet ancien trader de Wall street a commencé à se faire un nom au milieu des années 80, en particulier grâce à son Inflatable rabbit, réalisé en inox en 1986, aujourd’hui reconnu comme une œuvre symbolique de la fin du XX° siècle. Pour l’anecdote, il fut marié à l’ex-star du porno italien, la Cicciolina avec laquelle il se mit en scène dans une série d’œuvres intitulée Made in heaven (pas la peine de courir dans votre vidéo club ! je ne vous parle pas de films X. Mais bon, quand même, les sculptures ne sont pas à mettre sous tous les yeux).

La visite : avant de pénétrer dans le bâtiment royal, un premier arrêt s’impose devant une première sculpture « koonsienne », Balloon flower. Le visiteur non averti pourrait ne voir qu’un énorme et véritable ballon métallisé jaune posé sur un piédestal, mais il s’agit bien d’une sculpture en acier chromé inoxydable qui restitue fidèlement la forme, l’aspect d’une sculpture sur ballon. En d’autres termes, une sculpture d’une sculpture.

balloonflower

Pour l’anecdote encore, une version magenta de ce Balloon flower a été vendue à plus de 16 000 000 euros, à Londres, chez Christie’s le 30 juin 2008.

Une fois à l’intérieur, je me fonds dans la foule de visiteurs composés en grande partie de touristes japonais et je prends l’escalier qui mène aux grands appartements.

Au premier étage, on arrive au salon d’Hercule où se tient fièrement l’une des pièces les plus répandues de Koons : Balloon dog.

dogballon

Cela faisait un petit moment que je n’avais pas remis les pieds dans le château et je vous avoue que pour l’occasion, j’avais mis de côté l’histoire de France, les fastes de l’époque du roi soleil pour les œuvres kitchs de l’artiste américain. L’œil du visiteur oublie le classicisme, la démesure, les dorures, les marbres, les boiseries et les immenses toiles du lieu pour se focaliser sur la taille et le clinquant du chien en ballon qui renvoie, comme beaucoup d’œuvres de Koons, à l’imagerie, au monde de l’enfance. J’aperçois deux vieilles rombières faire leur bouche en cul de poule à la vue de l’œuvre de l’artiste américain.

Je pense à tous ces touristes étrangers qui mettaient les pieds pour la première et peut-être unique fois de leur vie et qui sont repartis avec des clichés d’un des lieux les plus prestigieux de France défiguré d’œuvres horriblement kitschs comme cette sculpture représentant l’ex-king of pop et son singe Bubble.

mickaeljacksonandbubble

Nettement plus d’actualité, il est facile de dater l’œuvre de 1988, simplement en regardant les traits du visage encore humains de Bambi et la présence du chimpanzé qui, depuis, a cédé sa place aux petits garçons. Elle me fait penser à un affreux et vieux bibelot en porcelaine, semblable à ceux que possédait ma grand mère. Les deux vieilles rombières ont dû certainement apprécier cette statue…

Je continue ma visite. Je traverse le salon de Mars où est pendu, quoi de plus normal, un lustre… Ah non, Lobster, une langouste gonflable, enfin, l’imitation d’une langouste gonflable. Oui, ça a l’aspect d’une bouée, ça a la texture d’une bouée, ça a la couleur d’une bouée, ça donne envie de vérifier par soi-même, mais c’est encore du métal.

lobster

Il y a un monde fou, j’accélère le pas pour quitter cette foule qui s’agglutine devant un buste koonsien de Louis XIV, je traverse différentes pièces, j’évite de peu un japonais et j’arrive devant une sculpture de bois intitulé Bear and policeman. J’ai vraiment l’impression de visiter le château sous acide.

bearandpoliceman

J’ai lu quelque part que Koons cherchait à dénoncer les abus sexuels (du LSD également ?) par le biais de cet ours visiblement sympathique qui emprunte le sifflet d’un Bobby, en le tenant affectueusement par l’épaule. Le policier a l’air effectivement médusé, on dirait presque un petit garçon. Mickael Jackson ! Allez, retire ton déguisement, on t’a reconnu !

J’entre enfin dans la partie la plus célèbre des appartements : la galerie des glaces. Malgré le monde, je ne mets pas longtemps à trouver une nouvelle œuvre contemporaine qui brille tout au fond, telle une décoration de sapin de noël. L’immense salle est magnifique, brillante de milles feux avec ses lustres et ses dorures fraîchement restaurés. Je ne parle pas par contre des miroirs qui sont bien ternes. Pour ce coup, je suis un peu déçu. En revanche, le Moon (light blue) en acier de Koons semble faire partie des éléments rénovés.

moon

Dans le salon de la paix, un sosie de la Cicciolina, séquestré dans une caisse de plexiglas, s’exhibe avec la panthère rose, la queue en berne ( ben oui, c’est un détail qui m’a marqué. Impressionné le p’tit pépère ?).

Ah! voilà un Ready-made dont je vous parlais au début de l’article. Des aspirateurs, enfermés dans des cubes de plexiglas et illuminés par des néons. Depuis, quand je passe l’aspirateur chez moi, je pense à cette installation.

La pièce est plongée dans le noir. Des photos de ce genre d’installation peuvent laisser de marbre (un comble à Versailles !). Pour vivre l’expérience, sur le plan sensoriel, de ce type de mise en scène, il faut le voir en vrai.

Il y a d’autres sculptures dont je ne vous ai pas parlé comme ce cochon tiré par des enfants. Non, ce n’est pas Mickael qui s’est déguisé cette fois en cochon. Enfin, je pense. Il y a aussi le fameux Inflatable rabbit, un train, d’autres pseudo-bouées, un faux bouquet de fleurs en bois, un buste de Koons, et ce cœur suspendu, Hanging heart qui n’apparaît pas bien sur les photos, trop sombre, les appareils avec flash étant normalement interdits.

Il se fait déjà tard. Il reste encore une œuvre, Split-rocker, remarquable paraît-il, à voir dans l’orangerie mais la nuit va bientôt tomber sur le jardin, qui n’est pas très gai en cette période de l’année. En plus, il me semble qu’elle devait être retirée début novembre et je dois rentrer pour l’entraînement. Tant pis, j’aurai certainement l’occasion de la voir un autre jour…

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