Sisyphe aurait pu faire du Powerlifting…

Dans la mythologie grecque, Sisyphe, fils d’Éole, est le fondateur de Corinthe, l’une des plus importantes cités de la Grèce antique. Il est surtout célèbre pour la peine que lui infligèrent les dieux, qui inspira Albert Camus dans un essai philosophique Le Mythe de Sisyphe.

Sisyphe

Pour avoir osé dénoncer Zeus qui tentait d’enlever une jeune fille vierge et osé défier les dieux, Sisyphe est condamné à pousser éternellement un rocher au sommet d’une montagne sans jamais y parvenir : à peine Sisyphe est-il arrivé près de son but que le rocher roule vers le bas, et tout est à recommencer… Albert Camus le qualifie d’ultime héros absurde, et y établit pourquoi la vie, malgré l’absurdité du destin, vaut la peine d’être vécue.

Morceaux choisis :

« Les dieux avaient condamné Sisyphe à rouler sans cesse un rocher jusqu’au sommet d’une montagne d’où la pierre retombait par son propre poids. […]

Les mythes sont faits pour que l’imagination les anime. Pour celui ci, on voit l’effort d’un corps tendu pour soulever l’énorme pierre, la rouler et l’aider à gravir une pente cent fois recommencée ; on voit le visage crispé, la joue collée contre la pierre, le secours d’une épaule qui reçoit la masse couverte de glaise, d’un pied qui la cale, la reprise à bout de bras, la sûreté tout humaine de deux mains pleines de terre. Tout au bout de ce long effort mesuré par l’espace sans ciel et le temps sans profondeur, le but est atteint. Sisyphe regarde alors la pierre dévaler en quelques instants vers ce monde inférieur d’où il faudra la remonter vers les sommets. Il redescend dans la plaine. […]

C’est pendant ce retour, cette pause, que Sisyphe m’intéresse. […] si la descente ainsi se fait certains jours dans la douleur, elle peut se faire aussi dans la joie.

Toute la joie silencieuse de Sisyphe est là. Son destin lui appartient. Son rocher est sa chose. Il se sait le maître de ses jours. À cet instant subtil où l’homme se retourne sur sa vie, Sisyphe, revenant vers son rocher, contemple cette suite d’actions sans lien qui devient son destin, créé par lui. Sisyphe enseigne la fidélité supérieure qui nie les dieux et soulève les rochers. Lui aussi juge que tout est bien. Cet univers désormais sans maître ne lui paraît ni stérile ni futile. Chacun des grains de cette pierre, chaque éclat minéral de cette montagne pleine de nuit, à lui seul, forme un monde. La lutte elle-même vers les sommets suffit à remplir un cœur d’homme. Il faut imaginer Sisyphe heureux.»

Je ne sais pas pour vous, mais ces lignes m’ont renvoyées à l’entraînement où chaque répétition, chaque série, chaque mouvement n’est finalement qu’un éternel recommencement. À ceci près que cette suite d’actions a un lien et que derrière chaque effort il y a surtout l’espoir de rajouter, en compétition, quelques kilos sur une barre.

Si Sisyphe avait été conscient de cela, il aurait certainement abandonné son caillou, fait un bras d’honneur aux dieux pour se reconvertir au Powerlifting. En revanche, il n’aurait pas intéressé Camus.

3 Comments

  1. La photo que tu as trouvé est édifiante. Les muscles des bras ne sont sans doute pas assez développés mais les grecs avaient bien conscience du fait que finalement c’est tout le corps qui porte…

    Pourtant, il y a, selon moi, une absolue différence entre Sisyphe et un powerlifter: l’un subit et pour l’autre c’est tout le contraire. Sisyphe subit son destin. Désolée monsieur Camus, pour moi, point d’espace de liberté pour le fils d’Eole. Peut-être peut il ressentir un instant la joie de la libération de la charge, mais simultanément vient le poids de l’inexorable destinée: il se libère pour de nouveau subir le joug de la charge minérale.
    Ma vision de l’athlète, est à l’opposé total. Il construit son destin en essayant toujours un peu plus d’avancer, de dépasser ses limites.
    Finalement, Sisyphe, en faisant le choix de ne pas se rebeller (car dans certains mythes certains héros se sont rebiffés contre leurs malédictions) est, malgré sa perpétuelle action, dans une position de passivité absolue, de non prise de décision. Au contraire, je pense que lorsqu’on s’entraîne à la force, on agit sa vie!

    Mais cela n’est que l’humble vision d’une petite instit pas du tout sportive…

    • Vision intéressante d’une petite instit’ pas du tout sportive; cette différence est à considérer.
      Petite contradiction : tu écris que Sisyphe subit son destin, qu’il n’a point d’espace de liberté et plus loin tu conclues que Sisyphe fait le choix de ne pas se rebeller. CONCLUSION : Il était donc libre de choisir son destin ! Inutile de rédiger ta réponse, nous en débattrons au cours d’un prochain dîner…

  2. prépare tes arguments, je m’occupe de la cuisine!

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