Un maître (d’école) parmi les maîtres au Grand Palais

Mais qu’est-ce qu’il m’a pris de me rendre samedi à l’exposition Picasso et les maîtres qui se tient actuellement au Grand Palais ???!!! Non, pas parce que l’expo est décevante, loin de là, mais plutôt à cause des conditions particulières de ce samedi.

Annoncée en fanfare depuis la fin de l’été, cette exposition, qui donne l’opportunité d’admirer des œuvres majeures de la peinture d’habitude dispersées dans les plus fameux musées du monde dans un grand musée parisien, ne pouvait que marcher. Picasso déplace déjà les foules, mais utiliser l’artiste espagnol pour présenter d’autres grands noms de la peinture pour remplir les caisses était bien pensé.

Alors, j’avais préféré attendre les vacances de Noël pour la visiter en pensant que l’affluence aurait diminué … Eh bien je me suis trompé. Et pas qu’un peu.

grand palais

Autant vous prévenir tout de suite : 1h30 mn de queue si on n’a pas réservé. 90 minutes, 5400 secondes, passées dans un froid de canard (c’est vous dire à quel point j’étais motivé !), à regarder envieusement entrer ceux qui avaient pris la peine de prendre leur billet à l’avance et les voir sortir plus d’une heure après, alors que j’étais toujours coincé dans la file d’attente. Et encore, même pour les réservations, l’attente devaient être de l’ordre de la demi-heure.

Pendant ce temps, un clarinettiste, pour récolter quelques euros, jouait de son instrument, accompagné d’une enceinte amplifiée à cassette qui passait des sonates. Avec ce froid à fendre les pierres, j’eus rapidement envie de … comment dire ? … Satisfaire un besoin naturel …

Une heure plus tard, la nuit tombée, les gens, serrés les uns contre les autres comme des manchots pour se réchauffer, commençaient à s’impatienter. Le joueur de clarinette, qui était toujours là, s’interrompait de temps en temps pour sortir une blague qui détendait l’atmosphère. La moindre question innocente de la part des nouveaux venus au sujet du temps d’attente devenait prétexte à la rigolade. Sauf que plus le temps passait et plus la rigolade se transformait en rire jaune. Puis, les gens ont commencé à taper des pieds pour se réchauffer et moi également mais pour contenir les signaux d’alerte que m’envoyait ma vessie qui était au bord de l’éclatement.

La nuit glaciale, les gens frigorifiés qui trépignaient d’impatience, le musicien, les violons : j’avais l’impression de me trouver sur le pont du Titanic. La situation devenait tout simplement pitoyable …

Une bonne vingtaine de minutes plus tard, à un mètre de la barrière qui me séparait de l’entrée, l’idée d’abandonner ma visite m’obsédait. Je ne voulais plus voir Picasso, ni ses maîtres. J’en n’avais plus rien à foutre du génie et de ses modèles. À cet instant, le Titanic avait sombré et je n’avais qu’une chose en tête : PISSER !!! Soudain, la file avança (VITE ! VITE ! VITEUH ! VITEEUUHH ! ÉCARTEZ-VOUS, PUTaaAIiiNN !!!!), j’escaladai l’escalier en sautant, telle une gazelle, les marches quatre par quatre (étant plutôt « court sur pattes », je considère cela comme un exploit) et, ratant de peu une jolie gazelle gamelle sur les trois dernières marches, je pus enfin entrer au chaud dans le musée et surtout inaugurer ses toilettes en poussant un grand râle de soulagement, limite orgasmique (PFFFIOoouaaAAAHH !!!). Après une telle épreuve, croyez-moi, on apprécie la visite !

La visite : Bon, inutile de présenter l’un des pères fondateurs du cubisme qui reste pour moi LE peintre du XXème siècle et dont le nom complet est, pour l’anecdote, Pablo Diego José Francisco de Paula Juan Nepomuceno María de los Remedios Cipriano de la Santísima Trinidad Mártir Patricio Ruiz y Picasso. Oui, l’arbre généalogique des Picasso, c’est un Baobab, parce qu’en plus du nombre de femmes et d’enfants, il y a les noms à faire tenir.

Le concept de l’exposition est simple : comme je l’ai écrit plus haut, rassembler des œuvres des artistes qui ont influencé le peintre d’origine espagnole et montrer l’impact qu’ont eu ces œuvres sur sa création.

  • Les portraits
  • La visite débute par la galerie des portraits. Ah oui, inutile aussi de vous rappeler que les appareils photos sont interdits. Donc, pas de photos tirées de ma visite et comme je n’ai pas de mémoire et pas de photos, ben, le récit de ma visite sera assez succincte (tant mieux diront certains).

    Là, il y a énormément de monde qui s’arrête devant les autoportraits de Picasso bien sûr, mais aussi de El greco, de Rembrandt, de Delacroix, ou encore de Cézanne qui ont respectivement traversé le XVI, XVII, XVIII et XIXème siècle.

    Cette salle est consacrée à l »époque académique du futur créateur de Guernica, durant laquelle il étudie les beaux arts et découvre les œuvres des maîtres au musée du Prado (le Louvre espagnol) à Madrid.

    On aperçoit une tête d’homme peinte à la Greco que Picasso a peint à l’âge de 18 ans, dans un style académique qu’il maîtrise (au moins) depuis l’âge de 14 ans ! Dans la même salle, se trouve un de ces autoportaits, peint deux ans plus tard, Yo Picasso que je n’avais jamais vu en vrai.

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    Pablo Picasso, Portrait de Jaime Sabartes (1939), Musée Picasso de Barcelone » width= »218″ height= »267″ class= »size-full wp-image-5487″ />

    Malgré tout, une chose me gêne. Non, pas une seconde envie d’aller aux toilettes, mais j’ai beau chercher, la ressemblance entre telle œuvre de Picasso et les œuvres de ses maîtres dont il est censé s’être inspiré, n’est pas toujours évidente, voire inexistante. J’ai l’impression que n’importe quel portrait d’un artiste pouvait faire l’affaire.

    Bon, voyons la suite de l’exposition …

  • Les peintures noires et les périodes bleue et rose
  • En fait, pour vous dire la vérité, je sais que l’influence de la fameuse série des « peintures noires » du peintre Goya, conservées au Prado et appelées ainsi en raison de leurs tonalités très sombres, est abordée, mais avec toutes les oeuvres présentes et la succession des salles, je suis incapable de me souvenir si certaines d’entre elles étaient présentes. Je suis sûr que oui. Malheureusement, aucune ne me vient à l’esprit.

    En parlant de noir, bien sûr, la fameuse période bleue, marquée par la misère et la grisaille vécue à Paris, et la période rose, qui évoque dans une tonalité plus claire, le monde du cirque et des gens du voyage sont présentées.

    Durant ces deux périodes, Picasso s’est beaucoup inspiré encore de El Greco, en développant une monochromie bleue et de Degas et de son tableau, Buveur d’absinthe.

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    Pablo Picasso, Buveuse d’absinthe (1901), Musée de l’hermitage, Saint petersbourg »


    Dans les toiles de la période rose, l’ocre et le rose dominent. Les corps des personnages, des jongleurs, des adolescents nus (inspirés des baigneurs de Cézanne), sont un peu tirés en longueur pour exprimer leur misère ou leur grâce.

  • Les natures mortes
  • On arrive ensuite dans la salle consacrée aux natures mortes. Une nature morte, exercice incontournable pour tout peintre qui se respecte, est constituée d’objets, d’animaux (le plus souvent morts), de végétaux (fleurs, fruits, légumes) qui possèdent chacun un sens, une valeur symbolique, autrefois religieuse, comme celle que l’on retrouve dans l’Agnus Dei de Zurbarán, où « l’agneau de Dieu » est une métaphore du martyre du Christ.


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    Francisco de Zurbarán, Un verre d’eau et une rose sur un plateau d’argent (1630), Galerie nationale de Londres

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    Picasso, nature morte au crâne de mouton (1939)


    J’éprouve le même sentiment que pour les portraits. J’ai l’impression que n’importe quelle nature morte pouvait finalement servir de modèle.

    J’accède à la partie réservées aux nus.

  • Les nus
  • Comme pour la nature morte, en admirant les œuvres de ses maîtres, le nu s’est imposée naturellement au peintre espagnol.

    En voyant La maja desnuda de Goya, j’ai ressenti la même chose que lorsque j’ai vu La Joconde, pour la première fois : une certaine déception. La toile est assez petite en comparaison avec l’idée que je m’en faisais. Je la voyais beaucoup plus grande. Goya a peint une autre maja, mais « vestida » (habillée). Mais cette dernière est restée au chaud au Prado.

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    Francisco Goya, La maja desnuda (), musée du Prado, Madrid

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    Ingres, La grande odalisque en grisaille (après 1814, date de l’original, en couleur), Metropolitan Museum de New York

    Notez les vertèbres supplémentaires de la jeune femme qui rappelle le style maniériste des personnages allongées du tableau de El Greco, Saint Martin et le mendiant. C’est la première fois aussi que je voyais ce tableau qui m’a fasciné davantage que la première version en couleur, exposée au Louvre, à cause de l’impressionnante maîtrise des fondus de gris.

  • D’autres toiles revisitées par Picasso
  • Lorsque son ami Matisse meurt en 1954, Picasso a le sentiment de n’avoir plus de grand maître avec qui se mesurer et se tourne vers les grands maîtres du passé. En 1957, il décide de revisiter les ménines, une des plus célèbres toiles de Velazquez.

    Pour l’anecdote, Picasso a peint pas moins de cinquante-huit versions différentes. Cinq sont présentées pour cette expo, mais le tableau de Velazquez, lui, est restée au Prado. Il faut se contenter d’une projection floue. Dommage.

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    Diego Velazquez, Les ménines, Musée du Prado, Madrid

    MM

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    Picasso s’est attaqué ensuite au « déjeuner sur l’herbe » de Manet, « L’enlèvement des sabines » en 1963 d’après Poussin et David et aux demoiselles au bord de la Seine de Gustave courbet.

    les demoiselles de bords de seine

    La visite s’achève par les dernières toiles du maître, marquées par la figure du mousquetaire et le traditionnel passage près de la librairie (près de, pas dans).

    Mon avis : À`défaut de nous apprendre réellement quelque chose, l’exposition reste riche en tableaux, trop nombreux pour être cités ici. Certains sont visibles à Paris, au musée du Louvre, au musée d’Orsay, à l’Orangerie. D’autres sont tellement célèbres que j’ai eu l’impression de les avoir déjà vus en vrai alors qu’ils sont exposés le reste du temps à l’étranger. On retrouve ainsi des toiles sorties des musées, galeries ou collections particulières de Londres, de Bâle, de Madrid, Barcelone, New York, Berlin, Moscou, Saint Petersbourg, … Un vrai tour du monde des musées en 80 minutes.
    Enfin, dans quelques années, quand on reparlera de cette expo, je repenserai au Titanic, à la gazelle et à ce qui m’attendait pour le retour (oui, mes mésaventures n’étaient pas terminées) et surtout, je pourrai dire « j’y étais ! »

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