Sortie (très) matinale

lever du jour_edited

J’aime le matin printanier pour sa lumière qui tapisse les murs clairs de mon « home sweet home » et qui m’effleure doucement les paupières pour me réveiller en me faisant espérer une très belle journée. Enfin, je prends surtout le temps de l’apprécier quand je suis en vacances…

Et justement, ça tombe bien, je suis en vacances !

Hier, comme les cendres de l’Eyjaföll paralysaient encore un peu les aéroports européens et qu’une nouvelle véritable journée de printemps s’annonçait sur l’Hexagone, j’ai tenu à me lever avant l’aube, courir quelques kilomètres avant le pic de pollution les premiers rayons du soleil, pour apprécier peut-être un magnifique ciel parisien, bleu, silencieux, vierge de nuage, d’avion et de contrail.

Chaussé de mes Asics Gel Nimbus, j’ai dévalé l’escalier qui mène au rez-de-chaussée de mon petit immeuble de trois étages puis franchi la porte de sortie. J’ai immédiatement été frappé par l’odeur particulière de la rosée sur la terre des parterres de fleurs qui se dissipe habituellement à l’heure à laquelle je pars à mon travail. Il était à peine cinq heures quarante cinq et la lumière du jour avait déjà commencé à poindre.

Je me suis élancé dans la fraîcheur matinale dans les rues d’Argenteuil; je suis passé à côté de la boulangerie de mon quartier en pensant que je pourrais peut-être m’y arrêter au retour pour acheter quelques viennoiseries. Motivé par cette idée, j’ai traversé tour à tour des rues désertes, une avenue encombrée par le cortège des voitures des gens qui se rendaient au travail; là, ça commençait à monter, j’ai dû réguler ma respiration pour éviter de trop vite m’essouffler; j’ai ensuite passé un quartier fantôme, puis une nouvelle procession de véhicules stationnés au feu rouge d’un carrefour; de nouveau, des rues endormies; des commerces somnolant encore, emmitouflés derrière leurs grilles métalliques; j’ai doublé le camion des éboueurs et j’ai aperçu l’inévitable côte qui allait m’amener à mon objectif, le moulin de Sannois, qui offre une vue imprenable sur Paris et sa banlieue.

Deux kilomètres d’asphalte en lacets. J’ai dû emprunter des dizaines de fois cette rampe en voiture; ça monte sérieusement; mais à pied, c’est… Comment dire ? Arrivé au milieu de la montée, j’avais de plus en plus de mal à respirer; je déglutissais difficilement, avec un arrière goût de sang dans la trachée, auquel se mélangeait le goût salé des gouttes de sueur qui dégoulinaient le long de mon visage et qui venaient mourir sur mes lèvres. Mes poumons ventilaient ce qu’ils pouvaient et les voix de mes quadriceps et de mes mollets ont commencé alors à s’élever pour me supplier :

_ « Allez, eeuuhh, eeuuhh, s’te plaît, arrêtons-nous un peu… eeuuhh, eeuuhh, HeEIin ? pas longtemps…« .
_ « Ah, non, vous n’allez pas flancher maintenant alors que nous touchons au but ! » a répondu du tac-au-tac PVI, ma Petite Voix Intérieure.
_ « Allez, après, eeuuhh, eeuuhh, le poteau, là-bas, euh, on s’arrête… »
_ « Non, on s’arrêtera au moulin ! »

Mes jambes se sont résignées cinq-dix minutes à poursuivre leur effort, puis :
_ « Après la eeeuuuhhh, aaaaarrhhhhh, grosse pierre blanche alors… »
_ « Tssss ! »
Mes ischios, suivis de mes lombaires, se sont joints aux quadriceps et aux mollets :
_ « Après la veeuuaaârrrhh, la voiture bleue, au moins… »
_ « OUI ! OUI ! OUI ! LA VEEUUAATURE BLEUE !!! »
_ « Non, le moulin ! Tenez, d’ailleurs, on l’aperçoit ! Allez les gars ! EYE OF THE TIIIIGER !!! »

PVI-eye-of-the-tiger finit par capituler à deux cents mètres de l’objectif, après un panneau, au grand bonheur de mes quadriceps, de mes mollets, de mes lombaires, de mes ischios… et de mes poumons.

Je reprenais doucement le contrôle de ma respiration. Le ciel s’était éclairé depuis un petit moment déjà d’un bleu nacré, balafré par trois ou quatre contrails. Le vrombissement d’un avion finit par me faire comprendre que le traffic aérien avait bel et bien repris.

Dommage.

Le panorama qui s’offrait à moi n’en était pas moins magnifique : un amas de formes géométriques aux dégradés apaisants de gris, de blanc, de rouge, de bleu, de violet s’évanouissait dans un léger brouillard laiteux. De cet agglomérat d’acier, de verre, de tuiles et de béton, se dressaient fièrement les tours de La Défense, la Tour Eiffel, la Tour Montparnasse ou le Sacré-Coeur, frappés au levant par une lumière chaude, jaune et orange.

J’avais pris soin d’emmener avec moi une petite gourde et un appareil photo, au cas où. Malheureusement, le rendu était plutôt décevant, loin de la photo dont je rêvais. Pour illustrer cet article, je me suis souvenu qu’il y a quelque mois, lors d’une randonnée en haute montagne, dans les Alpes, j’avais immortalisé un instant similaire; cet instant magique qui vous donne cette impression que la journée vous appartient, que tout peut arriver, que tout peut vous réussir.

Il ne me restait plus qu’à redescendre tranquillement, passer à la boulangerie, prendre une bonne douche, vaquer à mes occupations en attendant la soirée pour une bonne séance de soulevé de terre.

J’aime les matins de printemps !

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2 Comments

  1. j’aime toujours autant te lire….merci….

  2. moi aussi…vivement le prochain article

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